Un diagnostic réalisé par les lobbyistes des promoteurs immobiliers


Il suffit de mettre un pied sur nos chantiers pour comprendre que le diagnostic ne s’applique pas au métier de la réhabilitation d’immeubles anciens. Pourtant, l’Etat mise sur la rénovation énergétique des logements existants pour répondre aux grands enjeux climatiques, économiques et sociaux. Une incohérence totale avec la réalité terrain ; les exemples ubuesques ne manquent pas.

Sur l’un de nos programmes à Nice, deux logements rénovés de manière identique en tout point ont été classés C et E par deux diagnostiqueurs différents. Autre exemple, sur l’un de nos projets de rénovation d’immeubles à Saint-Etienne, le diagnostic réalisé avant travaux a obtenu un meilleur score que celui après travaux. Logique finalement quand on sait que le diagnostic est purement visuel. Avant travaux, comment le diagnostiqueur peut connaître la couche d’isolant derrière les murs ou sous les planchers ? C’est aussi le cas pour l’étanchéité à l’air réelle par exemple. Ces éléments impactant les consommations réelles ne sont pas accessibles et par conséquent quantifiables par le diagnostiqueur ; ils ne sont donc pas pris en compte dans les calculs. C’est l’une des limites du DPE qui concerne principalement les chantiers de rénovation et qui nous met quotidiennement en difficulté sur nos chantiers.   

Un dernier exemple au sein de notre programme toulonnais. Nous avons choisi de rénover un appartement T2 haut de plafond en utilisant uniquement des équipements électriques, évitant ainsi au locataire de payer deux abonnements (gaz et électricité). Avec une installation équivalente au gaz, le logement aurait obtenu l’étiquette C, mais au détriment des factures d’énergie du futur locataire qui aurait payé plus cher d’abonnements que de réelle consommation. 

On constate alors que la méthode du DPE elle-même peut s’appliquer de divers manières qui peuvent fournir des résultats différents. Ainsi un même bien peut disposer de 2 DPE qui sont justes mais qui débouchent sur des classes différentes.

Toutes ces incohérences nous prouvent au quotidien que les étiquettes sont le fruit d’une grande loterie dans notre métier de la rénovation.

Un diagnostic biaisé par l’occupant et son usage du logement


Autre aberration, les calculs du diagnostic sont basés sur des consommations du logement dîtes « conventionnelles » pour le chauffage, l’eau chaude sanitaire, le refroidissement, l’éclairage et les auxiliaires de distribution, de génération et de ventilation. Des consommations préétablies forcément différentes du scénario d’utilisation réelle d’un foyer.

Concrètement, pour réaliser ses calculs, le diagnostiqueur part du principe que le chauffage se déclenche dès lors que la température extérieure est inférieure à 19°C*. Car comme le précise service-public.fr, le site officiel de l'administration française : Il est interdit de chauffer son logement à plus de 19°C. Encore une fois, dans la vraie vie, cela ne s’applique pas. Par conséquent deux occupants différents d’un logement avec une étiquette similaire n’auront pas la même consommation d’énergie en fonction de leur lifestyle. Le DPE ne prend donc pas en compte une sous-occupation liée à des déplacements professionnels, ou à l’inverse un volume chauffé qui ne devrait pas l’être, comme par exemple un garage aménagé en pièce de vie.

De plus, en 2008, notre programme « Bâtiment Basse Consommation » à Mulhouse, a été récompensé par le Trophée Énergivie en 2008. Nous avions suivi à la lettre le cahier des charges du Ministère pour certifier nos logements avec l’étiquette A. Mais nous n’avons jamais recommencé un tel projet. Pourquoi ? Car ces logements ne sont pas adaptés aux véritables usages des occupants. En effet, les installations mises en place, comme par exemple des VMC à double flux, préconisées par le cahier des charges, sont trop sophistiquées pour un usage d’habitation. En effet, malgré cette gratification, l’étiquette reçue ne garantit pas la consommation des locataires. Même avec un bâtiment très bien classé, on peut gaspiller énormément d’énergie. Le constat est que personne ne consomme de la même façon et les dépenses ne sont donc pas les mêmes, entre ceux qui chauffent beaucoup et ceux qui se contentent d’un 19°C.

La pédagogie avec les occupants est donc essentielle. Il est important de leur expliquer le fonctionnement de leur logement pour réduire efficacement les consommations d’énergie. L’efficacité énergétique doit nécessairement passer par un changement de comportement des usagers.


*Sauf en semaine, durant la journée, où le logement est considéré comme inoccupé avec un réduit à 16°C.

Alors comment faire pour réellement mesurer la consommation énergétique du logement ?


Je ne pense pas qu’il existe de solutions miracles. Néanmoins, il serait intéressant d’étudier les habitudes de consommation d’énergie de différentes typologies de locataires et de leur usage du logement. En effet entre un occupant souvent absent car il dispose d’une résidence secondaire et une nourrice à domicile, les besoins et les usages sont opposés.

Pour avoir des mesures réelles, nous pourrions installer des capteurs qui relèveraient durant un an les consommations des habitants. Ces systèmes de mesures intelligents permettraient de mieux définir les étiquettes des logements en fonction de profils des usagers. Il est désormais urgent de raisonner en matière de performance, de qualité de vie et surtout de durabilité.

Pour conclure, nous devons revenir aux fondamentaux comme par exemple en conservant des appartements traversants afin d’optimiser le flux d’air à l’intérieur. En parallèle, nous devons stopper la réglementation à tout prix et revoir ce diagnostic dans sa globalité pour en faire un outil de mesure efficace et représentatif pour tous les métiers de l’immobilier. 

- Hervé Tillier, Président du Groupe Créquy -

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