Le BTP face à la crise sanitaire


Que l’on parle d’un chantier pour un groupe scolaire, de la construction d’une tour, de la réhabilitation de logements, de la remise aux normes d’installations chez l’habitant ou de la maintenance, la multiplicité des types de chantiers empêche toute décision macroéconomique. Pourtant, c’est ce que l’Etat tente de faire, et c’est pourquoi de fortes tensions ont eu lieu entre ce dernier et les instances représentatives (FFB, CAPEB, etc..).

Derrière l’enjeu sanitaire qui est en premier plan, l’enjeu économique est bel et bien présent et pris en compte dans l’équation insoluble que veut résoudre l’Etat. C’est pourquoi, de nombreux messages contradictoires ont été au fil des jours annoncés par le Président, le Premier Ministre, la Ministre du Travail, ou le Ministre de l’Economie. Conséquence, après un premier temps d’arrêt, l’ensemble des acteurs du secteur s’est retrouvé complètement perdu. 

« Concrètement, dois-je rester chez moi pour endiguer la propagation du virus,

ou dois-je retourner sur les chantiers sauver l’Economie ? »
 

À cette question beaucoup de réponses, toutes sont différentes, que ce soit de la part de l’Etat ou des instances représentatives.

Le guide de préconisation est exactement le reflet de cette impossibilité de définir une règle claire. Il aborde seulement certains aspects des chantiers, des contrats et des organisations. Il ne peut apporter de solutions globales et n’en apporte pas.

Ce qu’il faut retenir, c’est qu’aujourd’hui l’Etat demande à notre secteur de continuer au maximum l’activité tout en respectant au mieux les règles sanitaires.

Si nous sommes honnêtes, il est aujourd’hui impossible de garantir un respect total des consignes sanitaires sur 95% des chantiers. Aussi, pour être clair : La Maitrise d’Ouvrage a la responsabilité du respect sanitaire sur les chantiers et chaque dirigeant d’entreprise à la responsabilité de la santé de ses salariés.

Dans ce cas, il semble tout à fait logique que 95% des chantiers sont/restent à l’arrêt ?


Et bien non, et ce pour 2 raisons majeures :

La première, peut-être la plus surprenante, nos ouvriers veulent travailler. Pour être plus précis : nos ouvriers ont besoin de travailler. Le chômage partiel est, en effet, bien mis en place, mais le système de rémunération de la convention du bâtiment est bien spécifique (contrat de 39h, primes de déplacements, panier-repas, et.). De ce fait, un ouvrier touchant un salaire net de 2100 € lorsqu’il travaille, peut voir son salaire descendre jusqu’à 1500 € net, bien loin des 84 % de salaire dans d’autres secteurs.

La seconde concerne les enjeux et la pression contractuelle. Un projet se défini notamment par son planning.  Un chantier qui s’arrête un mois, n’implique pas un simple décalage d’un mois dans le planning global du projet. L’impact est bien plus conséquent. Les multiples entreprises doivent revoir leurs plans de charge, les commandes doivent se décaler et les interactions entre les lots sont chamboulées. Sur nos projets comme sur bien d’autres chantiers, nous essayons de garder un minimum d’activités pour ne pas subir de trop forts impacts plannings, qui impliqueront des conséquences financières importantes.

On peut donc en conclure que le secteur travaille pleinement ?


Et bien non, pour plusieurs raisons également :

Tout d’abord, un bon nombre d’entreprises du bâtiment ont complétement fermé pour la protection de la santé de leurs salariés. Pour rappel, les dirigeants sont responsables de la santé au travail de leurs salariés. Outre la bienveillance des dirigeants, que se passerait-il si un ouvrier contracte le COVID19 lors de sa journée de travail et décide de se retourner contre son employeur ?

Les fournisseurs font défaut. Même si certaines entreprises maintiennent une activité partielle, de nombreux défauts de fournitures se font sentir. Les distributeurs de matériaux sont pour la plupart soit fermés soit en activité fortement réduite. De plus, de nombreux matériaux proviennent d’autres pays, et depuis la fermeture des frontières les circuits sont coupés.

La rentabilité des encadrants est très affectée par la situation. Aujourd’hui, pour faire avancer un projet à 20 ou 30 % de sa cadence habituelle, l’encadrement de chantier travaille à 100 % voire plus. Il organise les interventions dans des conditions sanitaires acceptables, réorganise tous les plannings, se démène pour trouver les matériaux, valide auprès des CSPS et de la DIRRECTE le bon respect des règles, gère la communication avec les clients inquiets, etc. L’encadrement se retrouve donc payé à 100 % pour un travail qui avance seulement à 20 %, ce qui pose un problème fort sur le coût de la masse salarial « encadrement sur les projets ».

Et chez Créquy ?


Comme pour tout le monde, nos décisions sont différentes en fonction des chantiers. Nous avons beaucoup de projets de réhabilitation ce qui rend l’organisation plus complexe que sur des chantiers neufs dit « ouverts ». Nous ne fermons pas la porte à nos sous-traitants et partenaires qui souhaitent travailler, mais nous respectons aussi le choix des nombreuses entreprises qui refusent d’intervenir.

Notre encadrement définit en fonction de chaque chantier ce qui nous paraît comme acceptable en termes de quantité de personnel sur les chantiers, de co-activités. Nous retravaillons les plannings et l’organisation en fonction des entreprises présentes.

Nous avons également renforcé l’accompagnement de nos partenaires sur les paiements des factures, enjeu crucial actuel. Nous avons réduit nos délais de paiement à 1 semaine pour l’ensemble des entreprises continuant à travailler pendant la période de confinement.

L’ensemble du pôle travaux travaille donc entre 20 et 80 %, pour il est vrai des chantiers qui avancent entre 0 et 30% de leur cadence habituelle. Cela pour réduire au maximum l’impact planning qu’engendrera cette crise. Nous savons d’ores et déjà que la reprise du secteur sera progressive et lente. Nous mettrons cependant toute notre énergie à ce moment-là pour que nos projets repartent de manière nominale le plus tôt possible.